Festival national du film de Tanger : cinq questions à la réalisatrice marocaine Zaynab Toubali
Journalinfo
A l’occasion de sa participation à la 24ème édition du Festival national du film (FNF) avec son film documentaire “Chayaa”, la jeune cinéaste marocaine, Zaynab Toubali, livre, dans une interview à la MAP, sa vision sur l’évolution de l’industrie cinématographique marocaine, ses sources d’inspiration et son regard sur le rôle des réalisateurs dans la préservation et la promotion du patrimoine marocain.
Son film “Chayaa” revient sur l’histoire d’une pionnière de l’artisanat hassani qui a su, à travers son art, incarner l’essence même de cette culture riche et authentique du Sahara marocain. Son héritage perdure, même après son décès, vibrant à travers chaque pièce et œuvre qu’elle a façonnée.
1. Parlez-nous de votre parcours et des expériences significatives qui ont jalonné votre carrière avant la réalisation de ce documentaire ?
Après le baccalauréat, j’ai intégré l’Institut Spécialisé du Cinéma et Audiovisuel (ISCA) avant de me rendre au Cameroun avec mes parents, où j’ai réalisé mon premier court-métrage, intitulé “Au secours Africa”.
De retour au Maroc, je me suis inscrite à une licence professionnelle à l’Université Abdelmalek Essaâdi à Tétouan, où j’ai réalisé un autre court-métrage, “Les guichets fermés, sélectionné pour le 12ème Festival International du Film de Marrakech (FIFM).
Par la suite, j’ai entrepris un master en film documentaire à la même université, avant de m’installer à Istanbul pour y étudier la langue turque, tout en intégrant une société de production locale.
Au Maroc, en tant que jeune réalisatrice originaire du Sahara marocain, j’ai réalisé mon premier documentaire centré sur la terre de mes aïeuls, intitulé “Chayaa”, un projet me permet, notamment, de mettre en lumière une facette méconnue du public.
2. Pourquoi avoir choisi de vous concentrer sur l’artisanat marocain hassani en particulier et quelle a été votre approche pour réaliser ce film ?
Il s’agit d’une décision très personnelle, car en tant que réalisatrice marocaine sahraouie, j’ai à cœur de mettre en avant les traditions et la culture de cette région, qui m’est chère.
J’ai suivi une approche très minutieuse pour la réalisation de “Chayaa”, qui a commencé par une importante phase de recherche et de documentation, afin de bien comprendre les spécificités de l’artisanat hassani, ses techniques, ses savoir-faire ancestraux et son importance dans la vie des populations sahraouies.
À travers ce film documentaire, je souhaite rendre hommage à Chayaa, une grande artisane spécialisée dans le cuir qui est malheureusement décédée au cours du tournage, mais aussi à ce patrimoine culturel sahraoui en le faisant découvrir à un large public, au Maroc et au-delà.
3. Selon vous, quel rôle le cinéma peut-il jouer dans la préservation et la promotion de la culture artisanale ?
Le cinéma est un outil de représentation, de transmission et de promotion. C’est aussi un vecteur essentiel pour la préservation et la valorisation de la culture artisanale marocaine, un patrimoine riche et unique qu’il faut sauvegarder.
A cet effet, le Centre cinématographique marocain (CCM) aide à valoriser les artisans marocains à travers le cinéma, car lorsque les films marocains connaissent un succès au niveau national et international, ils contribuent à faire découvrir les créations artisanales à de nouveaux publics, ce qui est à même d’ouvrir de nouvelles perspectives économiques pour les artisans.
4. En tant que jeune réalisatrice, quel regard portez-vous sur l’industrie cinématographique marocaine?
Le cinéma marocain connaît actuellement un essor important, avec l’ouverture de nouvelles salles de cinéma de haut niveau et l’éclosion de talents qui illuminent les festivals nationaux et internationaux avec des productions de qualité.
Toutefois, ce secteur prometteur a besoin de davantage d’investissements. L’arrivée de grands opérateurs est une opportunité pour promouvoir les réalisations marocaines. J’espère également voir émerger une plateforme marocaine de streaming sur laquelle le public marocain et étranger pourra découvrir davantage le cinéma marocain.
Pour ce qui est des politiques publiques visant à encourager les professionnels du cinéma dans le Royaume, je trouve que le mécanisme du fonds d’aide du CCM est très précieux, car il a permis à des jeunes cinéastes en herbe de livrer au public des œuvres originales et de qualité.
5. Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels font face les jeunes réalisateurs aujourd’hui?
Le financement constitue un obstacle important, d’où la nécessité de mobiliser les fonds nécessaires pour aider les jeunes réalisateurs à concrétiser leurs projets, notamment lorsque les aides publiques ne suffisent pas à couvrir l’ensemble des besoins financiers.
Il y a aussi le problème d’accès aux sponsors étrangers et celui de l’échange d’acteurs et des collaborations interculturelles au moment de réaliser un film à dimension internationale. Et enfin, la distribution et la visibilité des films représentent un autre défi significatif, notamment avec un réseau des salles de cinéma encore limité, ce qui complique la diffusion des œuvres des jeunes réalisateurs.
Malgré ces difficultés, je suis optimiste quant à l’avenir du cinéma marocain compte tenu du soutien du CCM, des critiques du cinéma dans notre pays, de nos formateurs ainsi que de la presse nationale.